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Georges Alphonse MONBRO (attribué à), Paire de bibliothèques basses aux espagnolettes de bronze
Cette paire de meubles à hauteur d’appui en placage de bois de rose et d’amarante a été réalisé au cours du xixe siècle. Attribués à Georges Alphonse Bonifacio Monbro, ces deux meubles sont en effet caractéristiques de l’œuvre de celui-ci par la finesse et la profusion du décor de bronze doré finement ciselé, attribution que viennent appuyer l’abondance de la production de Monbro et sa prédilection pour les meubles éclectiques.
Fils d’un ébéniste et antiquaire, Monbro est né en 1807 à Paris, où il meurt en 1884. Il reprend l’affaire familiale à partir de 1838 sous le nom de "Monbro aîné" ; sa boutique se situe au 18, rue Basse-du-Rempart, jusqu'à ce qu'il doive déménager du fait des travaux du baron Haussmann, pour s’installer rue du Helder, à l’hôtel Dudon, qui finira lui aussi par être démoli. Marchand de curiosités, d’ameublements, de bronzes, de porcelaines, de tapisseries, de sculptures mais aussi ébéniste, il acquiert une grande renommée dans ces nombreux domaines et ouvre une succursale à Londres vers 1850. Tandis que son magasin est comparé par ses contemporains à un véritable musée d’antiquités et d’anciennetés, les meubles qu’il crée sont réputés pour leur historicisme et leur éclectisme, au goût du jour, et dont ce meuble est le témoin.
Le placage de bois de rose et d’amarante a été réalisé avec une grande finesse. L’amarante encadre les parcelles de bois de rose dont les stries ajoutent à ces deux meubles ornement et relief, voire un certain souci géométrique à certains endroits. Richement ornés de bronze ciselé et doré, les cabinets supportent chacun un plateau de marbre de Carrare subtilement veiné. De part et d’autre, des espagnolettes en bronze et en fort relief ornent les angles. Ces espagnolettes, parées de feuilles aux détails très aboutis et de drapés, empruntées au style Régence, sont devenues sous Napoléon III un motif récurrent dans les arts décoratifs. Dans leur prolongement, des feuilles et grappes de raisins entourent les liserés de bronze à la manière d’un pied de vigne. Les détails sont d’une extrême finesse, l’ensemble très travaillé. Les pieds du meuble sont quant à eux inspirés à la fois des styles Louis XV et Louis XVI. Une rosette naturaliste orne le pied du meuble, surplombée de courbes et coquilles d’inspiration rocaille. Une figure mi-lionne mi-humaine trône au centre, enroulée de larges feuillages. Le bronze de ces deux meubles est très fin et élaboré, notamment au niveau des liserés de bronze au décor rocaille qui structurent chaque pièce de bois ou encore ceux finement décorés de feuilles de chêne qui encadrent les deux vitres.
A la fois restaurateur et créateur ébéniste réputé pour ses qualités de connaisseur en fait de bronzes et de meubles antiques, Monbro se spécialise dans les styles historiques et dans la reproduction des meubles anciens à une époque où les copies se vendent mieux que les originaux. Constance Aubert raconte ainsi dans la revue L’Opéra en 1842 les voyages effectués par Monbro à travers la France, la Suisse et l’Italie, écumant tous les châteaux pour y trouver des meubles antiques afin de les revendre ou de s’en inspirer pour ses créations. Toutefois, si Monbro était un véritable expert des styles passés - Marc Fournier, critique, écrit dans la revue La Grande ville, qu’il était alors « le seul marchand de curiosités qui ait [...] une vogue de haute volée, et qui soit réellement versé dans la science profonde de l’archéologie » - il fut pour autant non dans l’imitation la plus stricte, mais plutôt dans la réinterprétation et le mélange des styles, conformément à la mouvance de son temps, et dont cet ensemble est un parfait exemple : styles Louis XV, Louis XVI et Napoléon III se rencontrent.
Georges Alphonse Bonifacio Monbro est surtout connu pour ses meubles en ébène et bronze doré décoré d’émail comme celui actuellement exposé au Musée d’Orsay. Sur ce meuble, deux cariatides ornent également les angles et la figure au centre n’est pas sans rappeler celles qui se trouvent au bas de nos cabinets. Ce meuble aux inspirations multiples – rigueur et égyptomanie reprises du style Napoléon Ier, coquilles et courbes du style Louis XV, rosettes naturalistes du style Louis XVI – est lui aussi caractéristique du mobilier de l’époque. Marchand d’antiquités chez qui « tous les débris si précieux des âges passés se trouvent », Monbro a ainsi fait des meubles de bronze au décor éclectique une spécialité, symptomatique de l’esprit de son temps et de son goût pour les curiosités.
