Style Néo-Gothique / Ref.14025

STEINER Hermann (1878-1963) ensemble de mobilier et sculptures provenance : collection de l’artiste

Hermann Steiner : du Tyrol aux expositions internationales
D’une fabuleuse inventivité, notre table en bois sculpté est l’œuvre de l’artiste tyrolien Hermann Steiner (1878-1963, né et mort à Merano, Italie). Fils du sculpteur Sebastian Steiner et époux de l’artiste peintre Adèle Perlemutter, il réalise des œuvres d’une rare intensité associant thèmes sacrés et profanes – les magnifiques chaises que nous présentons conjointement à notre meuble témoignent de ce goût consommé pour l’union des contraires. Mobilier, masques ornementaux, reliefs virtuoses, l’art de Steiner fait sortir des profondeurs du bois des personnages mystérieux, habilement augmentés d’éléments décoratifs naturels (cornes d’animal).
D’après les dictionnaires biographiques d’artistes Thieme-Becker et Benezit, Hermann Steiner est médaillé d’or à l’Exposition universelle de Saint-Louis en 1904. En l’absence d’artiste du nom de Steiner exposé au pavillon autrichien dans le catalogue de l’Exposition, nos recherches nuancent cette affirmation. De rares pièces sont exposées dans les collections muséales : les musées du Vatican conservent de l’artiste un rosaire sculpté. Représentant l’Autriche, Steiner participe à l’exposition Deutsche Luftkriegsbeute Ausstellung à Munich en 1918, expose à la foire internationale de Milan en 1952 et à celle de Bari en 1955.

Une polymorphie virtuose
L’artiste met à profit le camaïeu de brun du bois pour brouiller les frontières entre les différents registres du décor. Le plateau en noyer est soutenu par un tablier richement sculpté à la gouge dont les marques volontairement laissées en façade rendent perceptible le travail du sculpteur. Au centre, poires, raisins et grenade reposent et semblent déverser d’un drap tendu par des volutes profondes. Subtilement mêlées à la chevelure des faunes, celles-ci servent de transition au décor de masques aux angles de la table. Les visages grimaçants aux grands yeux bridés et au front bombé, presque cornu, évoquent les œuvres de Paul Dardé et son célèbre Faune conservé au musée de Lodève. Les figures d’angle s’illustrent par leur diversité d’expressions : certaines ont les yeux mi-clos, esquissent un clin d’œil, tandis que d’autres affichent une grimace attentive. Notre meuble est d’une grande intelligence dans les détails : le visage crispé d’un des masques croquant un grain de raisin renvoie habilement à la dureté du matériau sculpté.
Reposant sur une petite base carrée, les piétements protéiformes sont un véritable tour de force : une feuille de vigne recouvre mollement une splendide main veinée saisissant une grappe de raisins. Si le regard s’attache habituellement peu aux pieds de table, Steiner n’en fait pas moins de cas : les sabots offrent une nouvelle série de visages moqueurs, cornus et au nez busqué. Ces piétements où se marient masques et motifs végétaux rappellent la virtuosité de la bibliothèque réalisée par François-Rupert Carabin en 1890, conservée au musée d’Orsay (inv. OAO 872). Tout comme Carabin, Steiner semble privilégier les bois indigènes aux bois exotiques. Si les visages rieurs et les fruits évoquent le monde bachique, les inspirations sont multiples : le Sud-Tyrol, région natale du sculpteur, est célèbre pour ses nombreuses légendes et la montagne du Schlern serait le refuge de nombreux êtres fantastiques. Par ailleurs, l’artiste connaît bien l’histoire de la peinture et il n’est pas exclu de voir dans certaines de ces physionomies la grotesque laideur des bourreaux de Dürer ou de Bosch. Enfin, Steiner accorde une attention particulière aux détails, sommant l’entretoise galbée en « X » d’une saisissante nature morte de fruits sculptés.